Le projet d’ordonnance d'application de la nouvelle loi sur l'aménagement du territoire (LAT) relève de l'usine à gaz. Récemment mis en consultation par le Conseil fédéral, ce projet comporte de multiples défauts politiques et pratiques. Il ne fournit, par exemple, aucun instrument pour atteindre l'un des objectifs visés. Selon l'Office fédéral du développement territorial (ARE), la mise en œuvre de la révision de la LAT passe par le recentrage du développement de l'urbanisation à l'intérieur du milieu bâti. Mais comment fera-t-on pour concrétiser cette volonté de densification? Le projet d’ordonnance ne propose aucun outil. Or, la densification se heurte à de nombreuses résistances de la population. Ces mouvements visent, eux aussi, à leur échelle, à protéger un paysage, un environnement local, à rejeter les éventuelles nuisances liées à un développement. Ils ne sont a priori pas illégitimes même s’ils peuvent, évidemment, freiner des projets.
Le calcul des besoins qui permettront de déterminer la surface admissible des zones constructibles dans chaque canton s'annonce hasardeux. Non seulement la méthode prévue est compliquée, mais elle repose en plus sur des sables mouvants. Tout d'abord, les données de base font défaut. L'ARE elle-même admet que les taux d'utilisation actuels des zones constructibles de chaque canton «ne peuvent être qu'estimés». C'est dire. Ensuite, il faudra calculer les besoins pour les 15 prochaines années. Mais le projet d’ordonnance ne dit pas quand commencent ces fameux 15 ans. On devine bien pourquoi. A partir du moment où les besoins auront été calculés, il faudra du temps pour que le plan directeur cantonal les intègre et soit ensuite approuvé par Berne. Et il faudra davantage de temps encore pour que les plans communaux concrétisent le plan directeur cantonal. Autrement dit, il faudra au moins 20 ans pour adapter les zones constructibles aux besoins des 15 prochaines années…
Sans attendre cet horizon lointain, chaque canton aura cinq ans, à partir de l'entrée en vigueur de la loi, pour adapter son plan directeur cantonal. Et jusqu'à l'approbation de cette adaptation par le Conseil fédéral, toute création de zone à bâtir devra être compensée par un déclassement de terrains constructibles de même surface ailleurs dans le canton. Bonjour les blocages!
Avec les autres chantiers ouverts par la modification de la LAT, notamment celui de la taxe sur la plus-value foncière, la moulinette administrative va pourvoir fonctionner à plein.
Olivier Feller
Conseiller national
Article publié dans le magazine Bâtir du mois de février 2014