Sur le papier, l’initiative Pour un service citoyen semble partir d’une idée tout enrubannée de civisme: toute personne de nationalité suisse serait tenue d’accomplir un service au bénéfice de la collectivité ou de l’environnement - à l’armée, à la protection civile ou dans tout autre service reconnu par la loi. Pour n’oublier personne, la loi devrait préciser à quelles conditions les étrangers pourraient, eux aussi, donner un coup de main à la collectivité et à l’environnement. Et pour rassurer les inquiets des conséquences d’un service dont la nature serait laissée au libre choix des individus, l’initiative mentionne que les effectifs réglementaires de l’armée et de la protection civile seraient garantis «en cas de crise».
Égalité, sécurité garantie, devoir d’utilité publique, que demande le peuple? Eh bien, justement, il n’a rien demandé et j’espère qu’il ne se portera pas acquéreur de ce projet lors de la votation du 30 novembre prochain.
Égalité? Certaines femmes apprécieront qu’on leur impose ce nouvel horizon…
Sécurité garantie? Si tout un chacun - ou toute une chacune - a le libre choix d’effectuer le service citoyen à l’armée, à la protection civile ou ailleurs, comment garantir les effectifs des forces de sécurité? Déjà aujourd’hui, armée et protection civile peinent à recruter. «En cas de crise», pour reprendre la terminologie de l’initiative, il faudrait d’abord supprimer le libre choix et il serait trop tard pour assurer à temps les effectifs et l’instruction requise. En fait, les initiants cherchent une fois de plus à affaiblir le service militaire obligatoire que le peuple suisse a voulu maintenir, par plus de 73% des voix, en septembre 2013. Sage prémonition. C’était quelques mois avant l’annexion de la Crimée par la Russie de Poutine, prélude au retour d’une guerre dangereusement durable en Europe.
Devoir d’utilité publique? Rien n’est moins sûr. Le législateur devrait d’abord définir les services qui peuvent être considérés comme un engagement pour la collectivité et l’environnement. Après quoi, il faudrait savoir quelles entreprises et associations devraient accueillir les nouvelles recrues du service citoyen. Et sous quelles formes (sur une base volontaire? selon quel contrat?, etc.). Autre problème: ces intérimaires d’un nouveau genre devraient-ils justifier de compétences pour s’engager dans telle ou telle activité? Sinon, qui prendrait en charge leur formation et leur encadrement? Bonjour la turbine à gaz administrative et le commando de fonctionnaires attitrés.
Autre merveille: les femmes y étant astreintes, le nombre de personnes devant accomplir un service obligatoire passerait du simple au double: environ 70'000 hommes et femmes par année, au lieu de 35'000 aujourd’hui. On assisterait à l’afflux d’une main-d’œuvre abondante dans certains domaines sociaux et environnementaux, qui pourrait dégrader les conditions de travail dans ces secteurs et compromettre l’emploi.
Face à l’ensemble de ces perspectives, on comprend le rejet de l’initiative au Conseil national par 173 voix contre 18 et au Conseil des États par 34 voix contre 8. Faites de même. Votez non le 30 novembre.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans Vaudois! le 29 octobre 2025