Le parti socialiste se marre. Voilà le Conseil d'Etat vaudois qui propose d'appliquer une mesure réclamée par la gauche. Et pas n'importe quelle mesure! Il s'agirait de donner aux communes un droit d'emption sur les terrains à bâtir non construits. Les propriétaires de ces parcelles se verraient ainsi forcer de les vendre.
Cette proposition est inacceptable. L'instauration d'un droit d'emption est contraire à la garantie de la propriété. Elle marquerait le début d'un processus d'étatisation du sol, qui a fait florès, comme chacun sait, dans les régimes collectivistes.
On me dira que cet accès de fièvre gouvernementale est dû à une noble cause: la lutte contre la pénurie de logements dont souffre notre région. Serais-je insensible à ce problème? C'est tout le contraire. Depuis des années, le Conseil d'Etat est pressé de simplifier les procédures et de réduire les délais interminables entre le dépôt d'un projet de construction de logements et sa réalisation. En vain. Il y a aujourd'hui, dans le canton de Vaud, 1266 logements en attente de permis de construire depuis plus d'une année. Le Plan directeur cantonal et ses dispositions d'application bloquent ou freinent de nombreux acteurs de l'immobilier prêts à investir dans la construction de logements. De nombreuses communes situées dans des zones de développement sont confrontées à des problèmes analogues. La liste des projets immobilisés, rapetissés, soumis à des exigences toujours augmentées, pourrait alimenter un feuilleton digne de Kafka.
Au lieu de lancer un plan d'expropriation des terrains, l'Etat de Vaud ferait mieux de faciliter le parcours des propriétaires qui cherchent à produire des logements. Ce serait mieux adapté au vrai problème à résoudre. Car de quoi s'agit-il? De répondre maintenant à une pénurie à court terme, dès lors que la toute récente étude menée par le bureau i Consulting montre que cette pénurie sera naturellement résorbée à l'horizon 2018 par les projets en cours. Or l'instauration d'un droit d'emption, en admettant que cette aberration soit effectivement introduite à l'issue d'un long processus législatif, politique et judiciaire, n'aurait pas d'effet avant plusieurs années. Pendant ce temps, on fera marcher la machine aux recours, pas les grues des chantiers.
Au lieu de prendre des mesures pratiques, à portée de la main, l’Etat tend à stigmatiser les propriétaires de terrains à bâtir en incitant à voir de la spéculation immobilière dans leur comportement. Tel n’est pourtant pas le cas, comme le prouve l'enquête du bureau i Consulting. Ce n'est pas par appât du gain que ces propriétaires conservent leur bien sans construire, ils ne cherchent pas à faire de l'argent, mais à préserver en l'état leur patrimoine. La lutte nécessaire contre le manque de logements mérite un débat d'une autre tenue.
Olivier Feller
Directeur de la Chambre vaudoise immobilière
Député radical
Article publié dans 24 heures du 1er avril 2011