Cet été, c'était l'actualité catastrophe. Sous l'effet d'une canicule jamais observée jusqu'ici, une bonne partie de la Russie était en flammes. Des inondations catastrophiques ravageaient le Pakistan, l'Inde, l'Est de l'Europe. En Chine, des glissements de terrain faisaient des centaines de morts dans le Gansu. Dans l'extrême nord, un iceberg géant de 260 km² se détachait du Groenland. Dans les médias, certains scientifiques prédisaient déjà la fin de l'homme sur Terre. Moins pessimiste, Dominique Bourg, professeur à la Faculté des géosciences et de l'environnement de l’Université de Lausanne, était pourtant très clair: «Dans vingt ans, on aura une planète dégueulasse, disait-il à 24 heures. Ce ne sont pas nos petits-enfants qui vont souffrir, mais déjà nos enfants. La disparition de l'homme sur Terre? Je suis plus mesuré. Mais ce n'est pas complètement absurde de le dire.»
Au regard des événements de cet été, notre politique environnementale présente de sérieuses incohérences. Beaucoup de Suisses trient leurs déchets, nous détenons même des records du monde dans ce domaine. Et voilà ce qu’on apprend. Dans certaines communes vaudoises, on annonce aux habitants, à leur grand étonnement, qu'il n'est plus nécessaire de trier les plastiques, à l'exception du PET. Dans d'autres communes, on n'ose pas le leur dire, tellement l'information fait tache. Mais en fait, depuis deux ans, le tri du plastique ne sert déjà plus à rien, à l'exception du PET - je le répète, pour ne pas introduire de confusion. Les emballages alimentaires, les sacs ou les bouteilles d'huile sont incinérés comme les autres ordures ménagères. Parce que la seule entreprise du pays qui les recyclait, Swisspolymera, à Payerne, a fait faillite en 2008. Autrement dit, le recyclage du plastique ne semble guère rentable, du moins sur le plan économique.
L'Office fédéral de l'environnement est en train de mener une étude sur l'écobilan de la collecte du plastique. S'il devait se confirmer, aux yeux des experts, que le tri des déchets en plastique ménagers n'est pas rentable, au moins devrions-nous tout faire pour réduire leur utilisation. Eh bien, nous n’évoluons pas dans ce sens. En juin 2008, Dominique de Buman, conseiller national ni vert, ni socialiste, avait demandé au Conseil fédéral d'interdire l'utilisation dans le commerce des sacs en plastique, comme cela se fait déjà dans d'autres pays, notamment en Chine. Il s'est fait retoquer.
Quelques mois plus tard, l'EMPA, le Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche, a publié une étude montrant que le bilan écologique d'un sac en plastique est supérieur à celui d'un sac en papier ou en tissu, à condition - c'est là toute la nuance - que chacun d'entre eux ne soit utilisé qu'une fois. Seulement voilà, dans la plupart des cas, les sacs en plastique sont jetés après leur premier usage alors que les autres sacs sont le plus souvent réutilisés. Et dès qu'un sac en papier est utilisé plus de deux fois ou qu'un sac en tissu est utilisé au moins dix fois, ils reprennent l'avantage écologique sur le plastique. Sans compter que le bois se renouvelle, le coton aussi, mais pas le pétrole. Et cette donnée essentielle, on en fait quoi dans les calculs?
Dernier exemple. En vingt ans, la consommation d'eau a nettement diminué dans notre pays, aussi bien dans les ménages que dans les entreprises. Et pourtant, le prix du m³ d’eau augmente. Pourquoi? Parce que les frais fixes de la distribution d'eau, en personnel, en amortissement et en entretien du réseau, représentent une part très importante du prix. Si le volume d'eau vendu diminue, on augmente donc les tarifs pour compenser. Au final, économiser l'eau, ce qui est souhaitable sur le plan écologique, n'est pas rentable pour le consommateur.
Résumons. Le Suisse moyen était fier de trier ses déchets, on le renvoie à ses études. Il était fier d'économiser l'eau, pour le récompenser les tarifs augmentent. Si l'on veut que la protection de l'environnement progresse, il faut que les pouvoirs publics mènent une politique environnementale qui repose sur le bon sens citoyen et non pas seulement sur un raisonnement purement économique. Il faut que l'écologie soit une solution, non une punition. Malheureusement, on n'en prend pas le chemin.
Olivier Feller
Député radical au Grand Conseil vaudois
Article publié dans Le Temps du jeudi 30 septembre 2010