Un titre récent de 24 heures ne pouvait pas passer inaperçu: «Huawei n'effraie pas les services secrets suisses.» Qui donc pourrait avoir peur de l'entreprise chinoise si la Suisse se fait si confiante, quand bien même des mesures de sécurité seront prises de façon préventive à l'égard de l'opérateur chinois et de sa participation à la mise en œuvre de la 5G? Car Huawei est soumise au contrôle d'un Etat qui ne rigole avec ses intérêts nationaux. Une loi entrée en vigueur en juin 2017 dispose en effet que toutes les entreprises chinoises doivent coopérer avec les services de renseignements de Pékin en toute occasion. On peut difficilement être plus clair.
D'un côté, les Occidentaux éprouvent une véritable fascination pour le «miracle» chinois et le formidable développement économique et social que l'Empire du milieu a réussis en quelques décennies. C'est un exploit même si l'on sait le prix auquel la population l'a payé sur le plan des droits humains et de la protection de l'environnement. Mais à l'opposé, la férule implacable du régime, son intrusion dans la vie la plus intime des citoyens, a de quoi nous angoisser quand on voit la puissance d'investissement financier et d'innovation technologique dont Pékin bénéficie désormais.
Un exemple? Dans la compétition pour les nouvelles énergies, l'Europe a déjà perdu la bataille des panneaux solaires. Elle est - ou du moins elle était - en train de perdre celle des batteries au lithium. Car la récente annonce de la création d'un consortium européen dans ce domaine est une réaction bien tardive. Aujourd'hui, la Chine produit 60% des batteries au lithium pour les voitures électriques, l'Europe 1%. Et Pékin, qui dispose sur son sol de solides réserves de ce précieux métal, s'est approprié 50% des autres gisements, notamment au Chili. C'est un aspect de la stratégie chinoise à long terme d'acquisitions de terres rares et d'investissements dans les infrastructures à l'échelle mondiale. Les nouvelles routes de la soie, dont Pékin tisse actuellement la toile, en sont le dernier symbole, plutôt pharaonique, qui n'a pas manqué d'impressionner le président de la Confédération, Ueli Maurer.
Tous les pays européens - la Suisse en est un - seraient bien inspirés de ne pas se montrer trop naïfs. Derrière les apparences, la politique étrangère de Xi Jinping ne fait qu'appliquer le conseil du très matois Deng Xiaoping: «Observer froidement, gérer les choses calmement, sécuriser ses positions, dissimuler ses capacités, attendre son heure, faire les choses là où c'est possible.» La ligne n'a pas changé. C'est simplement le champ du possible qui s'est ouvert en devenant gigantesque, surtout à l'échelle de notre petit pays.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans 24 heures du 23 mai 2019