Alpiq a provoqué un électrochoc en annonçant, avec l'arrivée du printemps, la mise en vente de la moitié de ses barrages hydrauliques pour cause de graves et persistantes pertes financières. Ce n'est pas le « grounding » de Swissair, mais un autre emblème de notre économie nationale, l'hydroélectricité, se retrouve ainsi en danger. Cette fois, pourtant, la gestion de l'entreprise n'est pas en cause.
Premier constat. L'Europe produit trop d'électricité bon marché provenant de centrales à charbon (très polluantes) et d'énergies renouvelables largement subventionnées par les Etats. Résultat : le prix de vente de l'électricité s'est effondré sur le marché européen et les centrales hydrauliques suisses ne sont plus rentables à ce prix. La volonté politique d'éliminer l'énergie nucléaire et de promouvoir les énergies renouvelables en vient à menacer l'existence même d'une source d'énergie propre et renouvelable dans notre pays. Ce qui est d'autant plus grave que l'hydraulique assure environ 60% de notre consommation d'électricité et constitue un pilier majeur de notre indépendance énergétique. Bienvenue les paradoxes.
Deuxième constat. La mise en vente de la moitié des barrages d'Alpiq peut certes intéresser des entreprises suisses, comme Romande Energie ou les Forces motrices valaisannes. Mais une prise de participation de sociétés étrangères n'est pas exclue. Cette éventualité est inquiétante.
Le Conseil national a accepté en mars dernier de donner à la Confédération la possibilité de soutenir financièrement les grandes centrales hydrauliques si des difficultés économiques venaient à menacer la poursuite à long terme de l'exploitation de ces installations. La commission compétente du Conseil des Etats vient de se rallier, à l'unanimité, à la position du Conseil national. On ne devra pas lésiner sur ce dispositif de soutien. Car un élément me paraît essentiel : l'indépendance énergétique du pays. On ne voit que trop les effets de la dépendance européenne, en particulier de l'Allemagne, à l'égard du gaz russe.
Il ne faudrait pas que la Confédération, sous prétexte que l'Etat ne doit pas intervenir dans l'économie, laisse finalement des Etats étrangers le faire à sa place. Comme on voit la Chine, sous couvert d'entreprises d'Etat, faire son marché en Europe, en achetant des ports, des aérodromes, des routes, des gares, des terrains agricoles. Et proposer d'entrer dans le capital d'EDF, l'entreprise d'électricité de France…
La politique du marché libre est un principe, dont les résultats sont globalement meilleurs que ceux d'une économie dirigée par l'Etat. Mais ce principe ne doit pas se transformer en dogme. La situation doit être appréciée en fonction des enjeux. En l'occurrence, nos infrastructures essentielles ne doivent pas passer, même partiellement, en mains étrangères.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans 24 heures du 9 juin 2016