L'initiative sur laquelle nous voterons le 28 février aborde un sujet sensible : la famine, qui touche environ un milliard d'êtres humains dans le monde. En 2007-2008, puis en 2010-2011, le prix de produits agricoles de base, comme le maïs, le blé, le riz, a explosé. Ce qui a aggravé la famine, en particulier dans les pays en développement qui importent plus de produits agricoles qu'ils n'en exportent.
Les auteurs de l'initiative attribuent cette flambée des prix à la spéculation sur les produits agricoles. Ils veulent dès lors interdire à tous les investisseurs potentiels ayant leur siège ou une succursale en Suisse (banques, fonds de placements, institutions d'assurances sociales, gestionnaires de fortune indépendants, etc.) d'investir dans des instruments financiers touchant des matières premières agricoles ou des denrées alimentaires.
Le premier problème qui se pose avec cette vision des choses, c'est que l'explosion des prix constatée en 2007-2008, puis en 2010-2011, a d'autres causes que la spéculation sur les produits agricoles. Cette flambée des prix était surtout liée à deux éléments : l'utilisation de produits agricoles pour la production de carburants et des mauvaises récoltes dues à la sécheresse ou à des conflits armés. La hausse des prix avait donc pour cause la diminution effective de l'offre de produits agricoles, et non la spéculation.
Le deuxième problème, c'est que la plupart des acteurs financiers visés par l'initiative pourraient contourner l'interdiction prévue en délocalisant leurs activités à l'étranger. L'initiative aurait pour seul effet d'affaiblir la compétitivité de la Suisse sans améliorer d'une quelconque manière l'approvisionnement en denrées alimentaires de la population des pays en développement. Au fil des ans, la Suisse a accumulé un savoir-faire unique et créé beaucoup d'emplois dans le négoce des matières premières. L'initiative mettrait fin à cette réussite sans pour autant améliorer la situation alimentaire des pays en développement.
L'erreur serait d'autant plus regrettable que la Suisse participe activement aux vrais moyens de lutter contre la faim dans le monde. Notre pays s'engage dans plusieurs organisations internationales comme la FAO pour lutter contre la famine. La Confédération consacre par ailleurs quelque trois milliards par an à l'aide au développement. Sous l'impulsion du conseiller fédéral Didier Burkhalter, le montant de cette aide a même augmenté au cours de ces dernières années. Il correspond aujourd'hui à environ 0,5 % du revenu national brut. C'est en soutenant des projets dans des pays en développement que l'on peut contribuer à lutter contre la famine. La Suisse est d'ailleurs bien perçue sous cet angle dans la mesure où elle tient ses engagements, ce qui n'est pas le cas de tous les pays occidentaux. Nous dirons donc non le 28 février aux spéculations sur les causes de la faim dans le monde.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans Tribune du 20 janvier 2016