Débâcle générale des partis de droite
Olivier Feller: «Nous avons oublié le sens du mot combat...»
Après Neuchâtel et Genève, Berne. Rien de va plus pour les partis de droite en Suisse. Ils accumulent les défaites électorales, terrassés par des vagues rose-vert qui submergent tout. Phénomène inéluctable? «Non», dit Olivier Feller. Au lendemain de la débandade de cette même droite aux élections communales vaudoises et un an avant les élections cantonales, l’étoile montante des radicaux du canton appelle au combat.
Ils ne gagnent plus. Comme si une malédiction s’était abattue sur eux. Neuchâtel d’abord, puis Genève et Berme. Sur la base d’un scénario qui ressemble étrangement à celui, qui, le 2 avril dernier, a vu les écologistes et la gauche s’emparer des commandes de la plupart des communes vaudoises. Défaite des coalitions de droite de manière générale, du parti radical plus particulièrement. Un parti qui, durant des décennies, a pourtant régné presque sans partage. Tant est si bien que beaucoup se demandent aujourd’hui comment le grand vieux parti va faire pour renaître de ses cendres, et, surtout, s’il en a la capacité.
Etoile montante d’un radicalisme déclinant, Olivier Feller incarne pour beaucoup le renouveau de la droite vaudoise. Agé de 31 ans, député au Grand Conseil vaudois depuis 1998, il s’est fait connaître par une capacité oratoire et polémique peu courante dans le canton tout comme par son esprit indépendant. Il a accepté de revenir sur la débâcle des dernières élections et de nous livrer ses recettes pour redresser la droite.
PK: La droite souffre un peu partout dans le pays et elle a particulièrement souffert, dans le canton de Vaud, lors des dernières élections communales. Avec du recul, à quoi ou à qui, attribuez-vous cet échec?
OF: Je crois que la droite, en général, est aujourd’hui perçue comme la coalition politique d’une économie triomphante et parfois arrogante. Une économie qui, ces dernières années, s’est singularisée à travers des actions qui l’ont desservie. Je pense notamment aux salaires de certains grands patrons que beaucoup trouvent choquants. Je pense également à la manière dont certaines restructurations d’entreprises ont eu lieu, sans dialogue, sans communication véritable. Peu à peu, dans les esprits, l’entreprise, qui était créatrice d’emploi, est devenue destructrice d’emploi. Pour une majorité, elle n’assume plus sa responsabilité sociale comme par le passé. En terme d’image, cela a été destructeur pour les partis de droite.
Et puis, force est de constater aussi que ces derniers, et ce fut la cas dans le canton de Vaud, ont marqué d’importantes divergences de vue sur certains sujets, comme, par exemple, les méthodes d’assainissement des finances. Certains voulaient redresser les finances avec des hausses d’impôt, alors que d’autres, comme moi, prônaient l’assainissement financier sans aggravation de la fiscalité. Cela a créé une importante fracture entre la base et les dirigeants. Nous en payons aujourd’hui l’addition.
PK: A gauche on a été visiblement meilleur. En quoi?
OF: Des élections, cela se prépare sur le long terme. Cela suppose une vision, l’établissement d’un projet de société de même qu’une présence sur le terrain doublée d’une réelle force de conviction. La gauche, d’une manière générale, et les Verts, plus particulièrement, l’ont bien compris. Ancrés dans tous les échelons du pouvoir, nous nous sommes endormis. Nous nous sommes contentés de gérer. Nous avons oublié le sens du mot «combat». Aux yeux des électeurs, nous sommes devenus un mouvement sans contenu. Il est clair que pour rassembler, c’est largement insuffisant.
PK: La défaite de la droite, c’est surtout l’échec du parti radical? Quelles en sont les causes?
OF: Les remarques précédentes s’appliquent naturellement aux radicaux puisque, par le passé, ils occupaient la plupart des postes à responsabilités. Mais j’ajoute que nous avons aussi été clairement prétérités par ceux qui nous représentent au plus haut niveau. Je pense au conseiller fédéral Merz qui a démontré ces derniers mois qu’il n’était pas un fin communicateur. Et surtout à Pascal Couchepin qui fait preuve d’une arrogance systématique dans les contacts. Il a terni l’image du parti.
PK: Vous avez le sentiment que la mission historique du grand vieux parti est terminée…
OF: Clairement dit, oui. Sa mission était de gouverner, de gérer, c’est aujourd’hui terminé. Le parti radical n’est plus tout puissant. Il n’est plus qu’un parti parmi d’autres.
PK: A défaut de lui redonner le lustre d’antan, quelles solutions préconisez-vous pour qu’il redevienne une formation avec laquelle il faut compter?
OF: Aujourd’hui, on ne peut plus séduire avec des synthèses. Il faut changer d’état d’esprit. Il est nécessaire d’avoir des convictions et de s’engager sur la base de celles-ci, non pas pour obtenir des places, mais parce qu’on est vraiment convaincu par ce qu’on fait. Des convictions, du contenu et des principes. Et il faut y rester fidèle. En ce qui me concerne, cela peut se résumer ainsi. D’abord, j’ai la conviction que la prospérité doit s’appuyer sur le sens de l’initiative et le goût du risque. Je pense ensuite que l’entreprise, qui est la base de ce fondement, doit assumer sa responsabilité sociale et éviter les dérives. L’excès de libéralisme est dangereux, car il conduit à l’étatisme. Le PRD doit incarner un libéralisme responsable. Enfin, je suis persuadé qu’il faut se battre pour favoriser la formation, notamment en ce qui concerne la jeunesse.
PK: Et en ce qui concerne les alliances politiques possibles?
OF: La vie politique est faite d’alliances. Pour être solides, elles doivent être basées sur des contenus cohérents auxquels il convient de rester fidèle. Sinon, cela n’a pas de sens. A Lausanne, par exemple, il y a eu, certes, une alliance, avec les libéraux et le PDC. Mais elle a été construite dans la précipitation. De plus, on a fini par parler plus des divergences qui existaient que des convergences évidentes qu’il y avait entre eux. Le résultat, vous le connaissez.
PK: Et l’UDC, n’est-ce pas une erreur de refuser d’entrer en matière avec elle?
OF: Mon appréciation a changé à ce sujet. Je suis aujourd’hui persuadé que l’exclusion d’une composante de la droite ne lui permettra pas d’être majoritaire un jour. L’UDC vaudoise est souvent une force de propositions positives. Elle n’est pas une formation qui agit dans l’excès. Sur ces bases, je crois qu’il convient de s’ouvrir et d’entrer en discussion. Et je suis persuadé qu’à terme on peut trouver une convergence de vue cohérente sur pas mal de sujets.
PK: Dans une année, on va voter au niveau cantonal, est-ce une nouvelle débâcle annoncée de la droite?
OF: Soit c’est le début d’une nouvelle ère, soit la chute n’est pas terminée. A nous de travailler. Dans tous les cas, ce sera sur le long terme. Je mise personnellement sur des résultats positifs pour les élections communales et fédérales de 2011 et, à coup sûr, lors des cantonales de 2012. Car dans tous les cas, la droite va rebondir.