Actualités  |  Mercredi 5 juin 2013

No, we can't, Mr. Obama

L'"accord" bancaire envisagé par Eveline Widmer-Schlumpf avec les Etats-Unis mériterait mieux le nom de diktat. On a déjà souligné le caractère inadmissible de la procédure prévue. Ce n'est plus de l'urgence, c'est de la panique. Présentée le 29 mai, la nouvelle "loi" devrait entrer en vigueur le 1er juillet prochain. Non seulement on réduit les Chambres fédérales au rôle d'un Parlement-croupion, mais on prive le peuple de ses droits politiques. Pas de référendum, s'il vous plaît, y'a rien à voir.

Le problème, c'est qu'il y a beaucoup à dire sur le fond de l'affaire, bien au-delà des formes, ou plutôt de l'absence de formes.

Cette nouvelle "loi" implique que toutes les banques qui ont accueilli des fonds américains non déclarés - et pas seulement les quatorze dont il est souvent question - peuvent être sanctionnées. Toutes les banques, c'est-à-dire même celles qui n'ont jamais fait d'affaires sur le territoire américain et qui ont respecté l'intégralité du droit suisse en Suisse: la législation en vigueur, la Convention de diligence et les instructions de la Finma, l'organe fédéral de surveillance des banques.

Autrement dit, on pourra sanctionner des établissements suisses pour des actes qui ne sont pas considérés comme des délits selon le droit suisse en vigueur et qui se sont déroulés sur notre territoire et non sur sol américain. C'est jeter par-dessus bord tous les principes juridiques pour le bon plaisir de Washington. La justice rétroactive, merci!

Quant aux sanctions, c'est un alliage de fer et de plomb qui est prévu. Les amendes pourraient atteindre 30 à 40% des montants américains non déclarés détenus par une banque. Soit cinq à dix fois plus que les amendes infligées dans un passé récent à UBS et à la Banque Wegelin. De quoi porter un coup parfois irrémédiable à certains établissements qui, eux, n'ont pourtant pas fauté.

Comme on n'arrête pas le progrès, les banques seraient également "autorisées" à livrer "le nom et la fonction des personnes qui ont organisé, suivi ou surveillé les relations d'affaires" avec une personne américaine. Les employés d'une banque qui n'ont jamais mis les pieds aux Etats-Unis et qui ont respecté strictement le droit suisse sur sol suisse pourraient devoir être dénoncés en Amérique. Cette disposition est tellement inhabituelle qu'on s'empresse d'écrire que les banques devront protéger "le mieux possible" les membres de leur personnel.

Le personnel en question sera donc ravi d'apprendre que "le mieux possible" consiste à avoir le droit d'être renseigné - ah bon? -, de voir ses frais d'avocat pris en charge - quelle magnificence après avoir été mis dans le pétrin! - et d'être protégé contre un licenciement lié à une relation d'affaire avec une personne américaine. Mais que les collaborateurs se rassurent: avec les amendes à payer, on pourra les renvoyer pour des motifs économiques.         
  
Olivier Feller
Conseiller national PLR

Article publié dans 24 heures du 5 juin 2013