Actualités  |  Lundi 8 novembre 2004

OUI AU RESPECT DE LA PAROLE DONNEE, NON A L'ACCROISSEMENT DE LA CHARGE FISCALE

L'effet suspensif accordé par le TF au recours que nous avons déposé contre les modalités de vote retenues par le Grand Conseil dans le décret relatif à l'assainissement financier nous vaut les reproches de quelques représentants de l'establishment politique: «Vous faites du juridisme étroit!», «vous bloquez le redressement des finances!», «vous incarnez la droite anti-vaudoise!». De nature émotionnelle, parfois désobligeantes, rarement étayées, ces réactions ne méritent pas une attention particulière. En revanche, elles nous donnent l'occasion de rappeler quelques faits.

Le 9 août dernier, à l'appui d'un avis de droit du professeur Etienne Grisel, nous avons publiquement contesté la volonté du Conseil d'Etat de demander aux citoyens vaudois de choisir entre plusieurs augmentations d'impôts sans leur laisser la possibilité d'opter pour le statu quo. Choqués par ce procédé, nous avons annoncé, de façon transparente, notre intention de saisir le TF si le Grand Conseil ne corrigeait pas le tir. Hélas, la majorité des députés ont avalisé la procédure préconisée par le gouvernement. Nous n'avions donc plus d'autre choix que de nous adresser au TF. Il est en effet inadmissible de dépouiller le peuple de son droit fondamental de refuser les hausses d'impôts. A notre avis, cela viole de manière crasse le principe démocratique de la liberté de vote. Mais il appartient à présent au TF de trancher.

Pour contourner l'effet suspensif, le Conseil d'Etat vient de présenter la plupart des mesures englobées dans notre recours, en particulier les hausses d'impôts, sous la forme de décrets soumis au Grand Conseil et susceptibles d'un référendum selon la procédure législative ordinaire. Que penser, sur le plan politique, de ce tour de passe-passe malin, à défaut d'être très respectueux de nos institutions?

Le plan financier du Conseil d'Etat prévoit deux tiers d'économies et un tiers d'impôts nouveaux. Un tel objectif, est-il compatible avec les promesses faites à la population lors des élections cantonales du mois de mars 2002? Pour répondre à cette question, il faut se rappeler que les partis radical, libéral, UDC et PDC avaient adopté une «plate-forme électorale 2002-2006» distribuée à large échelle avant les élections, mentionnant, noir sur blanc, que les candidats et formations du centre-droite vaudois «s'engagent à s'opposer à toute augmentation de la pression fiscale». Le respect de la parole donnée nous interdit aujourd'hui de cautionner des hausses d'impôts. Il en va de la crédibilité du centre-droite et, d'une certaine manière aussi, de l'action politique en général.

Du reste, à la surprise générale, le Conseil d'Etat a identifié il y a quelques jours des recettes supplémentaires pour un montant de 95 millions, liées à la taxation des personnes physiques, améliorant d'autant le budget 2005. Il en résulte que les contribuables participent d'ores et déjà substantiellement, bien au-delà de la proportion d'un tiers, au redressement des finances. Il faut en outre se souvenir que les revenus de l'Etat augmentent année après année et que ceux-ci n'ont jamais été aussi élevés qu'aujourd'hui. Si la nécessité d'assainir les finances est irréfutable, elle ne saurait toutefois se concrétiser par des prélèvements fiscaux supplémentaires, mais par des réductions de charges.

On nous rétorquera peut-être que les hausses d'impôts voulues par le Conseil d'Etat ne touchent qu'un nombre marginal de contribuables aisés. C'est faux! Selon les textes officiels, l'impôt extraordinaire sur la fortune frapperait 110'000 contribuables et la suppression de la déduction des intérêts des capitaux d'épargne pas moins de 190'000 personnes, soit la moitié des contribuables vaudois…

Compte tenu des enjeux en cause et des choix de société qui en découlent, il faut que les citoyens puissent se déterminer sur le principe de l'assainissement des finances par des impôts supplémentaires. En clair, si un nouvel accroissement de la charge fiscale est approuvé par le Grand Conseil, le lancement d'un référendum serait pleinement justifié.

Olivier Feller, député radical, Genolier
Philippe Leuba, député libéral, Chexbres
Article paru dans 24 Heures du 8 novembre 2004