Actualités  |  Jeudi 26 mai 2022

Guerre en Europe: la fin d'un tabou

«Il n'y aura plus jamais de guerre en Europe.» Cette illusion est née de la chute du mur de Berlin et de la disparition de l'URSS. La fin de la «guerre froide» a été interprétée comme la mort définitive des conflits armés sur notre continent. Ce rêve n'a eu un semblant de réalité que quelques années, et encore si l'on excepte les affrontements ethniques en ex-Yougoslavie et les massacres qu'ils ont engendrés. Par la suite, personne n'a vraiment voulu regarder en face les signes qui s'accumulaient en Russie. Guerre en Tchétchénie en 1999. En Géorgie en 2008. Annexion de la Crimée et début de la guerre dans le Donbass en 2014. Soutien à Bachar el-Assad, en 2015, dans une rage d'extermination de toute opposition: écoles et hôpitaux bombardés, zones résidentielles aplaties. L'apathie des démocraties occidentales a convaincu le Kremlin qu'elles ne bougeraient pas en cas de nouvelle agression.   

Quelques jours avant l'invasion de l'Ukraine par les troupes de Poutine, des «experts» sont encore venus dire sur le plateau du 19h30 de la TV suisse romande qu'ils ne croyaient pas à la guerre parce qu'elle ne serait pas «raisonnable». Comme si Poutine s'était montré raisonnable jusque-là.      

Des moyens supplémentaires pour l'armée

Aujourd'hui, les choses - malheureusement - ont bien changé. La guerre en Ukraine risque fort de durer, voire de s'étendre. Et un pays comme la Suède, qui, fort de sa neutralité armée, n'avait jamais envisagé une telle perspective pendant toute la durée de la «guerre froide» souhaite désormais intégrer l'OTAN. 

Pour sa part, la Suisse doit revoir sa politique de défense et les moyens qu'elle y consacre. Le Conseil national a accepté une motion le 9 mai dernier demandant une augmentation des dépenses militaires qui devraient passer de 5 à 7 milliards par an d'ici à 2030. Deux milliards de plus, est-ce énorme, comme je l'ai lu? Non. La facture de notre sécurité armée s'élèverait ainsi à 1% du PIB (contre 1.34% en 1990 et 0.67% en 2019). A titre de comparaison, l'OTAN recommande à ses membres d'y consacrer 2% depuis 2014 et ceux qui n'y ont pas consenti, comme l'Allemagne, s'en mordent les doigts.

Une certaine lâcheté

Dans notre pays, la gauche rejette, malgré les circonstances, l'adaptation de nos moyens militaires au motif que nous ne risquons rien. «Les chars et les avions russes, dit-elle, ne vont pas arriver chez nous. Auparavant, ils devraient défaire les forces de l'OTAN très nettement supérieures aux forces russes.» L'argument témoigne d'une certaine lâcheté. Ainsi nous pourrions ne rien faire en espérant que les autres se dévouent pour nous. Il témoigne aussi de beaucoup de naïveté. Pense-t-on vraiment que nos proches voisins, et l'ensemble des pays de l'OTAN, verraient sans rien dire la Suisse, considérée comme le pays le plus riche d'Europe, se désintéresser de sa défense en laissant aux autres le prix des sacrifices? Quant à affirmer que jamais notre pays ne serait atteint, c'est le genre de paris qu'il ne faut jamais prendre.

Cela dit, notre défense ne dépend pas seulement de nos moyens militaires. Elle doit intégrer tous les éléments de notre sécurité, dans le domaine alimentaire comme dans le secteur des approvisionnements en matières premières et en énergie. Pour y parvenir, l'aiguillon et le soutien des citoyens ne devront pas manquer au Conseil fédéral.   

Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud

Article publié dans Tribune du 26 mai 2022